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Dans les coulisses du journalisme de terrain : rencontre avec Antoine Védeilhé, lauréat du prix Albert Londres

Par admin francoise-combes2, publié le lundi 12 mai 2025 15:33 - Mis à jour le mardi 13 mai 2025 00:10
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Vendredi 28 mars, à l’occasion de la dernière journée de la Semaine de la Presse et des Médias à l’École, la classe de Terminale B a eu la chance d’échanger avec Antoine Védeilhé au lycée Joffre

Vendredi 28 mars 2025, les élèves de plusieurs lycées ont rencontré au lycée Joffre, Antoine Védeilhé, lauréat du prestigieux prix Albert Londres 2024, dans la catégorie audiovisuel, pour son reportage intitulé Philippines : Les petits forçats de l’or. Pendant près de deux heures, il a partagé son parcours, ses expériences sur le terrain, et sa passion pour l’information.

Cette rencontre s’inscrivait dans un travail d’Éducation Morale et Civique (EMC) visant à mieux comprendre le métier de journaliste et les enjeux liés à l’information dans le monde actuel.

Un métier passionnant mais exigeant

À 35 ans, Antoine Védeilhé  vit à New Delhi, en Inde, et parcourt l’Asie depuis plus de dix ans pour réaliser ses reportages. Il est journaliste, réalisateur et chef opérateur, diplômé de l’École Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ Lille). 

Il a commencé sa carrière à France 3 à Paris pendant deux ans, avant de devenir correspondant en Chine.Il s’installe à Shanghai, avec sa compagne, un pays qu’il a aimé pour sa vie quotidienne mais qui reste très compliqué pour exercer le métier de journaliste. « Là-bas, on est souvent surveillés, écoutés, et parfois même intimidés », raconte-t-il. En effet les journalistes étrangers sont soumis à une certaine pression, sont suivis dès leur sortie d’avion ou même parfois victimes de tentatives d’intimidation : « Un jour, un objet a disparu de mon bureau, et il a été replacé ailleurs le lendemain. » explique Antoine Védeilhé.

Quand il commence, il réalise des reportages sur des sujets courts,de deux minutes, sur les embouteillages ou la météo à Paris par exemple. Mais très vite, il se tourne vers des terrains plus complexes,aux Philippines notamment, où il réalise son reportage « les petits forçats de l’or », qui a été diffusé sur ARTE et lui a valu le prix Albert Londres dans la catégorie audiovisuel.

Il raconte avec simplicité comment il a dû s’imposer dans un milieu exigeant, où il faut accepter de faire des sacrifices. « Ce n’est pas un métier facile, mais c’est le plus beau métier du monde », nous confie-t-il. Cette ouverture de l’entretien nous met en relation avec un journaliste très pédagogique, qui est prêt a nous expliquer les enjeux et différences du métier.

Des conditions parfois extrêmes

Sur le terrain, les conditions sont parfois très dures : chaleur de 50 °C, le froid, la boue ou même les longues journées de tournage. Pour ses reportages, il s’appuie souvent sur des « fixeurs », qui sont des journalistes locaux qui l’aident à comprendre le pays, à traduire et à trouver des témoignages. Il insiste sur leur rôle essentiel et les remercie toujours car sans eux le reportage et quasiment irréalisable.

Il se souvient notamment d’un moment très difficile pendant son reportage aux Philippines : où l’on peut voir un garçon disparaître sous la boue et de la gêne ressentie à sortir la caméra. « Parfois, un regard suffit pour comprendre si on peut filmer ou non » nous évoque-t-il. Les reportages sont parfois très risqués notamment sur les terrains de guerre où les journalistes se mettent en danger, pour pouvoir nous informer.

Cela nous montre que le métier de journaliste ne consiste pas seulement a filmer ou interviewer des personnes mais comporte beaucoup plus de difficultés.

Des histoires humaines avant tout

Ce qui le motive, ce sont les histoires humaines. Il veut raconter les réalités vécues par les civils, comme lors de son passage au Bhoutan, à plus de 5 000 mètres d’altitude, où il a documenté les conséquences du réchauffement climatique sur une population qui en est victime. Il fut aussi le premier à diffuser un reportage sur la Birmanie et les conséquences du régime présent dans ce pays à la télévision . Il explique aussi que filmer ne veut pas dire tout montrer : certaines scènes de guerre, de tristesse ou d’intimité ne sont pas toujours diffusées, par respect. « C’était très dur de filmer… Parfois, il faut juste poser la caméra et respecter l’intimité des gens. »

Antoine Védeilhé insiste beaucoup sur le respect des personnes qu’il filme : « Même si elles vivent dans la pauvreté, on doit les montrer avec dignité. » Il ne veut pas faire de reportages tristes juste pour émouvoir, mais pour informer et faire réfléchir.

Suite à une question posé par une élève il nous fait part de son plus beau souvenir, qui est la réalisation d'un reportage pendant les Jeux Olympiques de Paris 2024 notamment l’occasion de pouvoir défiler sur le bateau de la délégation française lors de la cérémonie d’ouverture. Il nous partage aussi son souvenir le plus marquant qui est sa rencontre clandestine avec un réalisateur iranien, lorsqu’il n’était encore qu’un jeune journaliste. Et enfin il nous fait par du témoignage qui l'a le plus marqué, celui de Denis Junior, où ce jeune enfant raconte qu’il est très fier d’être orpailleur car c’est le métier des gens où il vit et qu’il va donc faire cela toute sa vie.

Mais malgré tout cela “il faut veiller à ne jamais tomber dans le piège du misérabilisme et savoir respecter la dignité des personnes même si elles vivent dans de mauvaises conditions.” explique Antoine Védeilhé et il précise d’ailleurs que c’était une consigne d’Arte pour qu’il réalise le reportage aux Philippines. Tous ces témoignages et expériences, qu'il nous raconte rend l’entretien encore plus captivant et nous permet de découvrir l’envers du décors du métier et l’expérience du journaliste.

Les réseaux sociaux, entre outil et danger

Interrogé sur les réseaux sociaux, Antoine Védeilhé nuance leur impact : « C’est une bonne source pour toucher un large public et trouver de l’information, comme à Gaza par exemple, mais c’est aussi un vecteur de propagande et de fausses nouvelles. » Pour lui, les réseaux sociaux sont utiles pour toucher plus de monde, suivre l’actualité en direct et plus rapidement. Mais il met aussi en garde contre les fausses informations et la propagande qui circulent en ligne, qui paraissent à première vue vraie mais qui au contraire ne le sont pas. « Il faut apprendre à bien s’informer », conseille-t-il aux élèves. 

Un message aux jeunes : soyez curieux !

Malgré les difficultés, Antoine Védeilhé n’a jamais abandonné un reportage même dans les contextes les plus complexes, comme en Inde sous 50 °C, ou prochainement en mer de Chine, où il prépare un sujet sur l’expansion chinoise et ses répercussions sur les pêcheurs philippins mais aussi les tensions avec la Chine. Il termine la rencontre avec un message plein d’espoir pour les jeunes présents à cet entretien : « Intéressez-vous aux autres, au monde qui vous entoure. Le journalisme, c’est difficile, mais c’est le plus beau métier du monde ». Un message porteur d’espoir pour la jeune génération, qui a pu découvrir la force du récit journalistique, au plus près de la réalité.

L'avis des élèves sur cette rencontre : 

« Ce qui nous a profondément marqué, c'est avant tout le courage indispensable pour exercer dans des zones à haut risque, où les journalistes mettent leur vie en jeu pour témoigner des réalités du terrain. Nous avons également été sensibles à la dimension humaine et éthique du journalisme de terrain, qui va bien au-delà de l'information brute pour s'ancrer dans des valeurs de respect et de responsabilité. Le rapport à la vérité et la confiance établie avec les personnes filmées est un autre aspect crucial, car il reflète l'intégrité et la transparence du métier. Enfin, l'impact concret de ces reportages, souvent peu médiatisés au niveau local, mais essentiels pour sensibiliser le reste du monde à des réalités souvent ignorées, nous a particulièrement impressionnés. »

« J’ai trouvé la rencontre avec Antoine Védeilhé enrichissante car c’est rare d’avoir l’occasion d’échanger avec un grand reporter et vainqueur du prix Albert Londres. Il nous a parlé de son métier avec envie et simplicité et cela nous montre un journaliste passionné. Ce qui m’a le plus marqué, c’est la manière dont il porte attention au respect des personnes qu’il filme, mais également son anecdote sur la disparition de ses affaires personnelles en Chine. Et on retient également ses conseils sur les réseaux sociaux, la manière de s’informer et d’être plus curieux du monde qui nous entoure. En conclusion la rencontre avec Antoine Védeilhé était à la fois instructive et inspirante et nous plonge dans le métier de journaliste». 

« Ce que nous avons apprécié dans notre rencontre avec Antoine Védhelié c’est qu’il reste authentique et modeste dans la manière d’interagir avec nous et les gens en général. Nous avons également aimé le fait qu’il était pédagogue dans sa manière de répondre à nos interrogations. »

« Cette conférence, on l’attendait avec curiosité… mais on ne s’attendait pas à être autant bouleversés. À travers ses récits, il nous a fait voyager, réfléchir, mais surtout, il nous a touchés. Ce qui nous a le plus touchés, c’est la manière dont il raconte ces histoires. Ce n’est pas froid, c’est profondément humain. Il nous a dit : « Il ne faut pas parler à la place des gens. Il faut les aider à se faire entendre » Cette phrase, on ne l’oubliera pas. Grâce à cette conférence, on a pris conscience que le journalisme, quand il est fait avec respect et courage, peut vraiment changer les choses. Antoine Védeilhé nous a donné envie de nous informer autrement, d’être plus attentifs à ce qu’il se passe dans le monde, et surtout, à ne pas détourner les yeux. »

« Cette rencontre nous a éclairé sur la beauté mais aussi sur la difficulté du métier de journaliste. Nous trouvons ce métier très noble et compliqué. »

Article rédigé par les élèves de Terminale B

Le reportage primé est disponible sur Arte :